Chers lecteurs,
J’ai reçu le courrier ci-dessous en réponse à ma lettre intitulée Discrimination Vestimentaire, à destination de Polaris Films. Vous vous souvenez, je parlais de casquette pour la régie et de l’intérêt des stages dans l’audiovisuel. Pour la première fois depuis la création de ce blog, j’ai enfin reçu une réponse! Je m’empresse de vous la faire partager, en laissant intactes les fautes d’orthographe. Et pour faire durer le plaisir, je vous fais part de la réponse que je lui ai donc renvoyée, afin de le rassurer. Si vous souhaitez lui envoyer vos messages de soutien, je peux vous transmettre son adresse e-mail. Attention, moteur, action.
Bonjour,
En lisant ton mail je me suis dis que j’allais t’appeler directement, mais tu n’as pas osé laisser ton numéro de téléphone. Tant pis.
Je suis l’actuel stagiaire de Polaris Film et je suis au regret de t’informer qu’une petite structure (2 personnes dans un bureau de 15m2) comme celle ci n’a pas d’autres choix que de faire appel à des stagiaires. Ton ressenti vis à vis d’un stage en production se borne à des structures plus grandes ou chaque poste à des responsabilités bien définis. Dans les structures plus modestes (beaucoup plus modeste) comme la notre, j’ai accès aux mêmes informations que le producteur lui même. J’ai des responsabilités qui dépasse de loin le fait de coller un timbre sur une enveloppe. Encore que cela ne représente pas pour moi une tache ingrate car celle ci doit être fait si on veut que le projet avance.
Ta démarche est finalement très prétentieuse et si tu prétends vouloir travailler dans le milieu du cinéma et de l’audiovisuel, il va falloir faire preuve d’un peu plus de flexibilité. Tu as le droit de pense tout savoir. Et si tu sais tout, tu aurais raison de penser devoir être payé. Mais ce n’était pas mon cas en arrivant chez Polaris. J’ai beaucoup appris au contact de mes maitres de stage qui ont pris sur leur temps pour m’expliquer ce que j’avais besoin de savoir pour faire mon travail correctement. C’est comme ça que le monde du travail fonctionne.
Le fait que tu ai du prendre ta journée pour écrire ce mail (au lieux de travailler, soit dit en passant) que tu auras surement mis en copier/coller à toutes les annonces de Profil Culture me fait dire que tu dois être de ceux qui bloquent la place de la république régulièrement et qui empêchent ceux qui se sortent les doigts d’aller trimer pour s’en sortir. Tu te complait dans la défense de tes droits alors que tu n’assume pas tes devoirs. Tu n’as pas encore de statut, ni de mérite, ni rien qui puisse te permettre de justifier ta lutte si ce n’est des refus d’embauche qui t’on frustré. Mais dans ce cas, révise ton attitude avant d’aller à ton prochain entretien. Ca ira mieux.
PS: Ta connerie m’aura fait perdre une heure de boulot. Merci.
Voici donc ma réponse :
Cher camarade stagiaire,
J’entends ta détresse et je comprends ta situation. Sache que j’ai appris à lire entre les lignes et ton message montre que nous avons encore du chemin à parcourir pour sauver les stagiaires de l’emprise de leurs bourreaux. J’en suis fort attristée une fois de plus mais avec un peu de détermination, nous y arriverons. Je sais que ton supérieur t’observe et surveille ton courrier car il ne pourrait y avoir de secret au sein de votre société. Ce mécanisme est malheureusement courant et sert à te prendre en otage pour t’empêcher de fuir, et rester ainsi au service de tes maîtres. Je connais bien ce fonctionnement et je suis navrée de voir à quel point critique nous en sommes arrivés, obligés de s’exprimer à double sens pour communiquer, pour ne pas se faire piéger. 1984 nous a rattrapés, je pense à Orwell et sa double pensée.
Je n’ose imaginer comme ça te coûte d’écrire ainsi le contraire de ce que tu penses, et pousser tes phrases jusqu’au ridicule : l’image de la place de la République est en effet symbole de terreur et de haine pour ceux qui profitent des faibles. Si leurs bureaux en venaient à brûler, pris d’assaut par d’abominables enragés brandissant leur drapeau rouge un couteau entre les dents ? Ils ont peur, cher Robin, et c’est pour nous déjà, une première marche vers la victoire.
Je perçois l’immensité de ton désespoir, coincé derrière cet écran, à devoir écrire de telles bêtises dignes des derniers discours de Jean-François Copé. Au point de laisser croire à ton employeur, pour le rassurer, que tu n’es pas du même bord, que tu n’appartiens pas à ceux de ton espèce, nous, les jeunes précaires ! Sache que je serai là pour t’écouter, si tu en ressens le besoin, pour évacuer ce comportement absurde imposé par la dure loi du travail. Je peux lire à travers le « Merci » qui clôture ton mail toute la sincérité d’un jeune homme désemparé. Je t’encourage à solliciter de l’aide pour te sortir de cette spirale, même si je suis consciente que le monde extérieur n’est pas si attirant. Tu as probablement des promesses d’embauche et tu espères les mériter, ce qui me paraît tout à fait louable. La boucle est bouclée.
J’ose espérer qu’un jour le milieu du cinéma te sera redevable, pour toute la générosité dont tu fais preuve, en plus d’un grand courage. Ton tour viendra d’être maître plutôt qu’esclave, et ta flexibilité, ta disponibilité, ton sens de l’obéissance et de la soumission seront forcément récompensés. Ainsi fonctionne le travail, dans cette logique absurde de séduire la hiérarchie pour accéder à son tour au pouvoir. Je suis certaine que ton avenir te rendra justice, et que tu retrouveras un jour, enfin, un visage humain.
Je te souhaite bien du courage et je t’adresse tous mes voeux de réussite dans le monde du vrai travail qui t’ouvrira ses portes de l’autre côté du stage. N’hésite pas à me contacter si tu as besoin de parler, en attendant ce futur proche et presque irréel d’avoir enfin une place dans la société.
Avec toute ma solidarité,
Sara Fistole.
Dernière minute! voici la réponse de l’intéressé :
Ta réponse dépasse l’entendement. A force de vouloir lire entre les lignes tu ne lis plus les lignes elle même ! La parano qui habite tes propos en est presque navrante. Mes supérieurs ont autre chose a foutre que d’éplucher les mails que j’envoi et que je reçois. D’autant que je gères toutes les boites mails de la boite donc non, ta théorie du stagiaire qui écris en double sens tombe a l’eau. Il va falloir te faire a l’idée que d’autres jeunes puissent avoir des avis différents du tien ! C’est mon cas. Je suis libérale et je vote a droite. Pas parce que mes « maitres » me suivent dans l’isoloir, mais parcequ’il s’agit de mes convictions.
Restons en la, tu n’arrivera pas a m’imposer ton point de vue et je ne cherche pas a imposer le mien.
Tu remarqueras au passage que je t’écris de mon mail perso et que celui ci n’est surveillé par personne. Mais je suis sur que tu vas me dire que Big Brother est partout donc bon…
Adieu
Sent With Iphone