Pauvre Père Noël :
Je vous écris pour vous faire part du traumatisme que m’a provoqué la découverte de votre annonce, et de la cruauté dont vous faites preuve en recherchant vingt postes de pères Noël, qui plus est : dans le Maine et Loire. L’enfant qui subsiste en moi ne peut que vous en vouloir, et je ne saurais vous pardonner de détruire ainsi le peu d’innocence qui me restait jusqu’à la lecture de votre texte. Ainsi, le plus beau métier du monde, le plus utile et le plus nécessaire actuellement, serait payé 15 euros net de l’heure ? Cette idée m’est insupportable, et je suis bouleversée par la façon dont vous traitez celui qui se démène corps et âme pour distribuer des cadeaux dans des conditions aussi difficiles. Pourriez-vous me dire comment le Père Noël, de par ses voyages à travers le monde, saurait se satisfaire des 50 euros d’indemnités kilométriques que vous lui proposez ? Comment financer la location du traîneau et l’entraînement des rennes, les frais d’entretien et la main d’oeuvre des lutins qui travaillent dur pendant ces longues nuits d’hiver? Il me semble que vous sous-estimez largement ce travail, d’autant plus que le Maine et Loire n’a jamais été la résidence principale du Père Noël : il faut également songer au prix des aller-retours au siège de l’usine des cadeaux qui se trouve en Laponie. De même, depuis quand faut-il un permis B pour se déplacer dans les nuages? Monsieur, vous brisez mes rêves.
Comment accepter, après tout ce temps où vous, adultes sans coeur, nous avez fait croire qu’un seul Père Noël sillonnait les cheminées, bravant les fuseaux horaires, quittant sa Laponie natale au service de l’humanité, que vingt personnes puissent remplir cette mission ? Qui reçoit donc nos lettres, depuis la nuit des temps, s’il y a en réalité au moins vingt Pères Noël ? Seraient-ils les esclaves d’une sombre entreprise tentant de rivaliser avec lui ? Ou bien le Père Noël a-t-il lui-même fait appel à vos services pour combler le manque de moyens et d’effectifs ? Je refuse de croire qu’il serait à l’origine d’une telle démarche, et je vous soupçonne d’utiliser son image pour réaliser des profits. J’espère de tout coeur que ce n’est pas le cas, et je vous remercierais de m’en assurer au plus vite, au nom de tous les enfants de la Terre.
Monsieur, je vous avoue que je suis désemparée par ces tristes nouvelles, et que je vous serais reconnaissante de m’expliquer les vraies raisons de cette annonce. Quitte à ce que mes rêves dégringolent de plus belle, je suis prête à entendre la vérité, au risque que celle-ci soit encore plus noire. Je préfère savoir que des milliers de Pères Noël à travers le monde ne sont que des personnes comme vous et moi qui se présentent chaque matin à leur agence d’intérim (ce serait pour moi la pire des révélations), plutôt que de continuer à vivre dans un tel mensonge. J’ai besoin de ces vérités pour faire le deuil de mon insouciance, si jamais elle devait disparaître. Je vous en prie dites-le moi, quels abominables secrets se cachent donc derrière Noël ?
Sachez que nous n’avons plus d’autre choix, en ces temps difficiles, que de croire à nouveau en la magie perdue des jours de fête, et nous nous accrochons tant bien que mal à la figure du Père Noël comme seul espoir d’une vie meilleure. Après douze mois de galères et de lettres de motivation sans réponse de l’autre monde, nous attendons avec impatience la nuit du 24 décembre où seul le Père Noël aura entendu notre plainte et nous enverra cette maigre consolation d’un cadeau, parfois minuscule, mais nécessaire. Pour retrouver foi en la vie, pour nourrir notre courage, pour avancer, malgré tout. Voilà tout ce qui nous reste : un peu d’espoir, et un joyeux Noël.
En vous remerciant pour votre compréhension et dans l’attente d’une réponse à la hauteur de mes craintes, je vous prie de croire, Monsieur, en l’expression de ma plus sincère tristesse.
Sara Fistole.
Merci pour ce petit moment de poésie dans ce monde de petits stages.
bizz
Le père des Pères Noël m’a répondu :
Très jolie phrasé.
Bravo.
Mais qu’attendez réellement comme réponse?
Nous offrons un emploi plutôt bien rémunéré, je pense. Et nous proposons à des centaines d’enfants de voir le Père Noel en chair et en os, service relativement inédit…
Après je peux comprendre votre désarroi en apprenant que le Père Noel ne peux en une nuit couvrir à lui tout seul tous le foyers du monde entier. Il a besoin d’être aidé. C’est triste, mais c’est la vie, la vraie.
Tu as quand même le mérite d’écrire sans faute, contrairement à tous ces sales employeurs!
SI si, il y a des fautes :
>Mais qu’attendez VOUS réellementréponse »espace »?Père No »ë »l ne peu »t »<
Oui mais les fautes viennent de l’employeur 🙂
Les fautes viennent toujours des employeurs.
Exact pour l’employeur ; mais pourquoi mon texte est tronqué ? Bizzzzzzzzzz
Et l’employeur a trouvé le moyen de répondre ! Quel imbécile ! Et de conclure : « C’est triste, mais c’est la vie, la vraie. » Il n’a vraiment rien compris, et ne s’imagine pas que, quelques décennies plus tôt, personne n’aurait payé quiconque pour faire le guignol en tenue de père Noël.
Découverte de vos pages en cette nuit…
La rue nous amène parfois à nous émerveiller…
De votre verbe et de votre esprit…
Ce premier commentaire posté à internet de mon existence est pour vous Ma Demoiselle Fistole
Chaleureusement.
note à moi même:
demander à Sara Fistole ses disponibilités quant à une éventuelle union libre, pacs,concubinage…rencontre cinéphile, animalière, alimentaire, littéraire
Bon la fausse naïveté est rès drôle comme toujours, mais je trouve assez injuste par rapport à l’annonce qui n’a rien de scandaleux, à mon sens… bien placé pour savoir qu’en termes d’intermittence, on fait pire.
@Crapaud Rouge: ces « guignols », je les ai déja connus il y a 50 ans dans les grands magasins parisiens. Les gens qui occupent ces postes sont en général reconduits d’une année sur l’autre et plutôt contents de faire un job sympathique et pas trop tuant. 15€ de l’heure je les trouve pas actuellement avec BAC+2 et 20 ans d’expérience. Alors relativisons, relativisons… et la réponse n’est ni sotte, ni ridicule. Cet employeur au moins connaît le second degré… sinon l’orthographe.