Madame, Monsieur,
J’ai lu votre annonce.
D’une manière générale, je dirais qu’il manque une structure, un peu de clarté, une entrée en matière : quelque chose qui donne envie, une petite étincelle qui encourage à postuler. Vous n’êtes pas sans savoir que le jeune diplômé est un être solitaire et dépressif. Surtout en cette période de Noël où il observe, la larme à l’œil, les salariés du monde entier se bousculer à la caisse de la Fnac pour un nouvel Ipad.
Il lui faut du rêve, un peu de guirlandes lumineuses autour de ce sapin qu’il n’a pas et qu’il envie à ses voisins. Oui, le jeune diplômé souffre : il a besoin d’un peu de chaleur au fond de son cœur, de tickets-restaurant et d’une carte de transports. Il faut venir le chercher, lui prendre la main et lui promettre le bonheur.
Or, votre offre de stage n’est guère plus convaincante qu’une liste de courses. Il aurait fallu introduire votre sujet, établir une problématique pertinente, la développer en plusieurs points et trouver LA formule de conclusion qui nous donne envie, à nous, jeunes diplômés, de donner une suite favorable à votre appel. Car nous n’avons pas choisi de recevoir une offre de stage de votre part, c’est vous qui demandez un stagiaire pour remplacer un poste vacant ou un congé maternité, peu importe. En cela, vous nous devez le respect.
Sachez que nous sommes prêts à vous offrir nos compétences littéraires et notre amour du travail bien fait. Mais je suis désolée, votre annonce n’est pas attirante. Votre description est molle, sans intérêt : vous ne manifestez aucune motivation. Avez-vous pensé que nous hésitons chaque jour entre mille offres de stage ? La concurrence est rude et vous n’avez aucune chance de nous obtenir si vous ne faites pas un petit effort.
Nos vies valent plus qu’une liste de courses. Nous avons le droit à des phrases entières et à une ponctuation élaborée. Ne serait-ce qu’un tiret, une conjonction, un complément d’objet, que sais-je encore, un point d’exclamation ! Un peu d’entrain ! Mais non. Vous vous contentez de mots-clés et de morceaux d’idées. Sans compter cette manière autoritaire que vous avez d’imposer les mois de DECEMBRE et JANVIER, en majuscules, comme si c’était un ordre, une menace, un monstre. Comme si le jeune diplômé n’avait pas de vie à côté, alors que LES VACANCES DE NOEL NE SERONT MEME PAS TERMINEES. IMAGINEZ UN PEU UNE CANDIDATURE EN MAJUSCULES ET VOYEZ COMME C’EST AGACANT. On ne peut même pas faire de C cédille. Vraiment, les lettres minuscules seraient plus appropriées. Moins prétentieuses, plus accueillantes. Une convention de stage n’a pas besoin d’être en majuscules pour être OBLIGATOIRE. Le mot suffit de lui-même, vous ne trouvez pas ?
Face à cette annonce, nous sommes donc en droit de douter de votre qualité de maison d’édition, d’autant plus que vos libertés typographiques traduisent un certain mépris des candidats. Pour cette raison, je vous prierais de revoir votre copie et de nous l’adresser à nouveau, en tenant compte de mes remarques. Je vous promets d’y regarder de plus près, une fois que j’aurai votre nouvelle version.
Vous remerciant par avance du soin que vous voudrez bien apporter à votre annonce, je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, TOUTE MA CONSIDERATION POUR LA LANGUE FRANCAISE.
Sara Fistole.
Excellent! Tragique, comique et réaliste en même temps. A mon avis, toutes ces lettres mériteraient une compilation… ça ferait un très bon livre!