Candidature de minuit

Ayant raté la rentrée de septembre, je compte sur celle des vacances de la Toussaint pour me redonner une chance de me lever le matin. En attendant, j’arrive toujours pas à dormir alors je postule la nuit.

Le Tremplin est la plus grosse discothèque d’Ille et Vilaine.

Voici donc ma candidature envoyée au Tremplin cette nuit :

Madame, Monsieur,

Actuellement insomniaque depuis que je suis au chômage, mais aussi parce que je n’ai pas de domicile fixe où dormir, votre proposition d’emploi pour travailler le samedi nuit m’intéresse particulièrement, même si je ne vous cache pas que toutes les autres nuits de la semaine m’arrangeraient aussi (cf. mes problèmes de logement). Permettez-moi donc de vous dire d’emblée que je suis disponible pour de plus grandes plages horaires sur la semaine si jamais vous étiez sensible à la générosité de ma candidature, ce qui me permettrait aussi, en toute logique, d’avoir un salaire plus élevé.

En effet, je trouve très honnête votre rémunération à 200 euros la nuit, bien qu’un peu juste par rapport au prix de l’essence et des loyers, mais comme je n’en paye justement pas, ce montant me conviendrait très bien (d’autant plus si vous m’embauchez pour tous les autres jours). C’est que je commence à avoir de la bouteille dans le domaine du service à la personne des bars et restaurants, et qu’il est gratifiant au bout d’un moment d’être récompensée pour toute la passion qu’on consacre à ce métier! Ainsi, bien plus que Barmaid, je me considère totalement Bar-made (qui veut dire, si vous connaissez l’anglais : faite pour le bar). 

Par ailleurs, je suis également intéressée par le poste de Vestiaire que vous proposez. Sachez en effet que j’ai effectué plusieurs stages en tant que porte-manteau dans l’hôtellerie-restauration – sans toutefois me trouver une vocation dans le domaine – ainsi que plusieurs rôles de figurante au cinéma mais aussi dans la réalité (attendre à un arrêt de bus par exemple, ou me promener dans la rue). Sans être pour autant diplômée dans le secteur, j’ai toutefois souvent expérimenté les différentes formes de vestiaires de la vie quotidienne, à la piscine, au théâtre, aux vestiaires de sport, avec des jetons, des pièces, des clés ou des bracelets en plastique… je pense donc avoir suffisamment compris le principe pour pouvoir l’exercer moi-même.

En revanche, vous ne précisez pas vraiment s’il s’agit du même poste ou de deux postes séparés (vestiaire et barmaid). Votre annonce est un peu floue sur la question, et elle n’est d’ailleurs pas très claire dans l’ensemble, si vous me permettez la critique. Il est tard et je suis fatiguée, et c’est plutôt agaçant de devoir plisser les yeux pour relire des phrases mal écrites ou pas assez développées alors que notre avenir est quand même en jeu, du moins nos samedis (cf. les gilets jaunes). Si vous m’embauchez également comme Community Manager, je pourrai faire des annonces très jolies et bien mises en page, bien au-delà du Clipart de word, avec des textes percutants et clairs qui pourront être compris à n’importe quelle heure de la nuit. A l’exception bien sûr d’offres d’emploi qui remplaceraient mon poste, je ne suis pas idiote. 

A ce titre, et dans le but d’arrondir les fins de samedis matins, si vous manquez de main d’oeuvre pour vos soirées 100% coquines avec sextoy offert à l’entrée et sexy show en salon privé à l’ancienne, je peux également vous soumettre des compétences supplémentaires lors de l’entretien que vous voudrez bien m’accorder à l’issue de cette lettre. Je vous montrerai ainsi des vidéos que j’ai moi-même montées pour la promotion des lieux dans lesquels j’ai travaillé : strip-tease, lapdance, portraits de clients, spot de prévention des accidents de la route, etc. Par ailleurs, ne buvant pas d’alcool, je pourrais aussi faire capitaine de soirée au petit matin, ou tout simplement faire taxi au cours de la nuit, creuser des citrouilles à Halloween pour qu’elle se transforment en carrosses pour des soirées Disney, entre autres idées rémunérées que nous pourrions développer ensemble. Mis bout à bout, ces extras me permettraient peut-être d’atteindre un salaire décent, de retrouver ainsi un peu de dignité voire de louer un appartement pour au moins y dormir le jour? 

Je ne doute pas que mon CV ici en pièce jointe achèvera de vous convaincre quant à mes compétences pour le/les postes que vous proposez. Dans l’attente d’une réponse positive de votre part, je vous prie d’agréer mes salutations distinguées. 

Sara Fistole

Mon CV :

De vous à moi

Après le refus automatique de ma précédente candidature chez les BtoB or Not to Be, je persiste dans le domaine de la fiction et de l’anglais avec cette offre de Paper to Film pour être lectrice stagiaire.

Madame, Monsieur,

Actuellement à la recherche d’une activité dans le domaine de la fiction de par mon incapacité chronique d’une part à vivre dans la réalité et d’autre part à trouver du travail dans cette même réalité, je vous adresse ma candidature pour votre poste de lectrice stagiaire, en espérant que celle-ci attire votre attention. Ayant été obligée ces derniers temps de lire beaucoup d’annonces sur internet dans le cadre de mes recherches d’emploi et de logement (l’un étant hélas dramatiquement attiré par l’autre), il me semble avoir énormément progressé dans le domaine de la lecture et de l’analyse de scénarios, l’objet du désir n’étant pas toujours en lien avec la rémunération du poste proposé, tout comme les lieux de l’action ne sont pas toujours proches des lieux de candidature, ce qui crée beaucoup de frais de déplacement.

Au fil de mes lectures, j’ai donc développé de sérieuses compétences en imagination, à force de m’inventer une nouvelle vie par les fenêtres du Boncoin.fr:  telle annonce de maison nécessitait tel salaire pour correspondre à trois fois le montant du loyer, salaire qui correspondait à un travail que je devais chercher pour y postuler afin de constituer un dossier pour le propriétaire afin qu’il m’embauche même si à chaque fois il était déjà trop tard. A ce titre, je me suis donc grandement améliorée dans la technique de construction d’histoires, car j’ai compris par exemple qu’une résolution était nécessaire pour qu’un scénario se termine, ce qui n’est pas le cas de toutes les recherches d’emploi et de logement malheureusement.

Etant par ailleurs scénariste au chômage depuis que j’ai raté la Fémis en section Scénario il y a sept ans, il me semble d’autant plus approprié d’être embauchée comme lectrice pour votre plateforme Paper to Film. En effet, cela me permettrait de lire et sélectionner mes propres scénarios qui ne sont jamais sélectionnés nulle part, et donc de me permettre de me donner ma propre chance car j’ai appris lors de mes nombreux stages dans le cinéma et l’audiovisuel qu’il vaut mieux compter sur soi-même. Surtout au moment de la pause du midi où, observant d’un oeil affamé les producteurs se contenter hors-champ d’un burger frites à la brasserie d’en-bas, le stagiaire croque sa soupe chinoise en cachette sans même la faire cuire pour ne pas se faire remarquer, sachant que de toute façon il n’y a pas de gazinière au bureau.

Par ailleurs, mon auto-sélection de mes propres scénarios sur votre plateforme permettrait aussi de rassurer mon assistante sociale si jamais elle avait été inquiète de mon avenir, et de prouver à ma conseillère Pôle Emploi que je suis enfin devenue scénariste professionnelle et qu’elle peut donc arrêter de me demander de postuler à City One et Mac Donald’s. En revanche, comme votre annonce ne mentionne aucun logement gratuit (les loyers de la région parisienne étant environ deux fois plus élevés que le salaire que vous proposez), je me permets de vous demander si toutefois vous disposiez d’un clic-clac dans vos bureaux ? Etant habituée dernièrement à vivre dans ma tente Quechua, j’ai bien sûr mon propre sac de couchage. Si d’ailleurs vous avez une terrasse en haut de l’immeuble, je peux aussi y camper.

Pour finir, et afin de multiplier mes chances et démontrer tout le sérieux de ma candidature, veuillez trouver en pièce jointe le dernier scénario de court-métrage que j’ai écrit, et que j’ai directement enregistré sur votre plateforme Paper to Film. Inspiré d’une histoire vraie, ce film raconte l’incapacité chronique d’un personnage de fiction à vivre dans la réalité d’une part, et à trouver un travail dans cette même réalité d’autre part. Je serais heureuse de pouvoir le lire moi-même depuis votre Clic-Clac, afin de le sélectionner et de me donner ma propre chance.

En vous souhaitant bonne lecture,

Sara Fistole.

PS : je dispose d’une V2 (Version 2) de ce scénario, qui est bien sûr plus élaborée, mieux écrite et plus intéressante, mais elle est payante. Vous pouvez me contacter par mail (sfistole@gmail.com) pour me demander mon RIB afin de me faire un virement, ou m’envoyer un chèque par la Poste. Cordialement.