Gestion administrative des différents projets en cours
Préparation des dossiers de demandes d’aides. Lecture de scénarios et fiches de lecture. Une expérience précédente dans la production cinématographique est un plus. Casquette régie appréciée.
Madame, Monsieur,
Permettez-moi de vous informer que votre annonce ressemble à beaucoup d’autres et qu’il faut malheureusement savoir lire entre les lignes pour comprendre réellement de quoi il s’agit. Ainsi, vous vantez des responsabilités a priori valorisantes comme la gestion administrative des projets en cours, alors que vous savez bien, comme moi pour l’avoir pratiqué, qu’il faut simplement classer des dossiers, répondre au téléphone et faire les commandes des fournitures de bureau, pour ne citer que les activités principales. De même, les lectures de scénario, exercices a priori alléchants, sont un prétexte pour isoler le stagiaire dans une bulle intellectuelle afin de s’auto-persuader qu’on lui donne quelque chose à faire. Par ailleurs vous précisez qu’une « expérience précédente dans la production cinématographique serait un plus », alors que vous savez comme moi que lorsqu’on a appris à ranger des dossiers, à mettre des timbres sur des enveloppes ou à organiser des rendez-vous, on n’a plus rien à apprendre d’un stage dans l’audiovisuel.
Avouez-le, ce n’est pas honnête. Je sais bien que vous n’avez pas les moyens, c’est toujours une bonne excuse quand on travaille dans le secteur du cinéma et il est bien confortable d’attribuer les tâches les plus ingrates à un stagiaire de passage. Mais de là à suggérer le port d’une casquette pour la régie, je trouve que vous dépassez les bornes. Non seulement le stagiaire est suffisamment mis à l’écart, notamment pendant les pauses repas où il va réchauffer son tupperware au micro-ondes, mais il faudrait en plus qu’il porte une casquette pour qu’il soit davantage identifiable. Ainsi, lorsqu’il s’en va acheter des disques durs pour la post-production, mission gentiment appelée « assistant de post-production », sa fonction devrait en plus être inscrite sur sa casquette, afin d’enfoncer le couteau dans la plaie, et achever de l’humilier sur la place publique. A quand le t-shirt « stagiaire » ou le pin’s « génération précaire »?
Je sais bien, hélas, que vous aurez de nombreuses réponses à votre annonce de stage, et que sans être habités par le moindre scrupule vous sélectionnerez celui qui aura une expérience supplémentaire, et celui qui sera déjà détenteur d’une casquette afin de minimiser les frais de la régie. Je sais également que vous n’avez que faire de mon indignation et que vous trouverez indéfiniment à votre conscience des arguments en faveur d’une telle annonce, dans ces périodes de crise et de chômage, etc. Certes, j’imagine que votre conscience en a bien besoin pour se regarder dans la glace chaque matin, mais sachez que nous sommes les boucs-émissaires qui participons à ce reflet positif dans lequel vous espérez vous contempler sans honte et sans regrets. Avouez que dans un certain sens, vous nous devez le respect.
Bien cordialement,
Sara Fistole.